Serge Reggiani - L'homme-fossile
L'homme-fossile | Serge Reggiani (interprète), Pierre Tisserand (compositeur et parolier) | Chanson française | France, Italie | 1968
Paroles
Voilà trois millions d'années que je dormais dans la tourbe
Quand un méchant coup de pioche me trancha net le col
Et me fit effectuer une gracieuse courbe
À la fin de laquelle je plongeai dans le formol.
D'abord on a voulu me consolider la face,
On se mit à me brosser mâchoire et temporal,
Suivit un shampooing au bichromate de potasse
Puis on noua une faveur autour de mon pariétal.
Du jour au lendemain je devins une vedette:
Journaux, télévision, y en avait que pour moi.
Tant et si bien du reste, que les autres squelettes,
Se jugeant délaissés me battaient un peu froid.
Enfin les scientifiques, suivant coutumes et us,
Voulant me baptiser de par un nom latin,
M'ont appelé Pithecanthropus Erectus.
Erectus ça me va bien moi qui étais chaud lapin.
Et ces messieurs savants à bottines et pince-nez,
Sur le vu d'un p'tit os ou d'une prémolaire,
Comprirent que je possédais de sacrées facultés
Qui me différenciaient des autres mammifères.
Ils ont dit que j'étais un virtuose du gourdin
Qui assommait bisons aurochs et bonne fortune,
Que j'étais drôlement doué pour les petits dessins
De Vénus callipyge aux tétons comme la lune.
Ils ont dit que je vivais jadis dans une grotte.
Ils ont dit tellement de choses, tellement de trucs curieux:
Que j'étais couvert de poils et que j'avais pas de culotte
Alors que j'habitais un pavillon de banlieue.
J'étais comme tout le monde, pétri de bonnes manières,
Tous les dimanches matin, je jouais au tiercé
Je portais des cols durs et des bandages herniaires
C'était avant la guerre, avant qu'tout ait sauté.
C'était voilà maintenant bien trois millions d'années.
Vous n'avez rien à craindre y a plus de retombées.